• Cube

    C'était un soir d'automne sur une petite route dans la campagne de France. Le ciel était clair, le vent chaud poussait en larges grappes les nuages d'altitude vers les rayons roses du soleil couchant. Un temps superbe pour une invitation au voyage. Une visibilité si parfaite qu'on aurait pu deviner la mer au bout du chemin.

    Incompréhensible.

    Le ruban d'asphalte filait droit vers un bosquet. L'éclat bleu métal des gyrophares agglutinés trahissait maintenant la présence des véhicules SMUR massés à la sortie du virage. Sans bruit. Pas de sirènes hurlantes. Nul besoin, d'ailleurs. Personne ne circule sur cette route isolée.

    Fin du rêve.

    Uniformes bleus, blancs et rouges en proportions égales. Plusieurs corps étendus dans un fossé, fauchés au cours d'une promenade par un véhicule inconnu. Découverts de façon fortuite par d'infortunés autochtones. Abandonnés à leur triste sort depuis un temps indéterminé par un fuyard anonyme. Plusieurs heures au moins, à attendre sagement dans leur lit vert et les pieds dans les glaïeuls.

    Perte de chance manifeste.

    Dans l'agitation ambiante, on eût pu ne point remarquer l'arrivée incongrue de cette fourgonnette cabossée à proximité immédiate des lieux du drame ou la présence muette de cet homme, prostré et hagard, seul contemplateur de ce si funeste spectacle.

    Il déclarera -on le saura plus tard- avoir cru percuter un animal dans un moment d'égarement. Ou roulé sur un nid de poule. A bien y réfléchir, peut-être un gros caillou. Mais une fois rendu à son domicile, le doute s'est imposé devant tant de tôle froissée. Un doute tenace, lancinant. Grandissant avec l'amnésie des faits qui semblait s'installer. Un doute si prégnant qu'il avait fallu dissiper en revenant, certes tardivement, sur les lieux du drame.

    Mensonges ou vérité? Petits arrangements de conscience, oubli imaginaire?

    Je me suis longtemps posé ces questions, comme pas mal de gens. Il y eut beaucoup de passions déchaînées autour de cette histoire. Beaucoup de jugements, aussi. Hâtifs ou argumentés. Je n'ai de mon côté jamais vraiment su quoi penser devant tant d'énormités jusqu'à ce fameux jour.

    Ma troisième garde de vingt-quatre heures en une semaine.

    Un faux rythme, pas de réelles urgences. Mais pas le temps de se poser non plus. La maternité dans son plus bel exercice, juste une myriade de petits feux à éteindre de-ci de-là. Depuis déjà quatre jours.

    Je suis fatigué. J'enchaîne les gestes techniques sans plus vraiment m'en rendre compte. Les naissances se succèdent à une cadence effrénée. Tout se fait de façon mécanique. J'ai pas mangé. La routine.

    Jusqu'au drame.

     

    - Le travail n'avance plus, le rythme du bébé ralentit par moments. Rien de grave pour l'instant, mais bon. Tu sais John, on a un antécédent de césarienne, là. Alors nous allons devoir y retourner bon gré mal gré. Tu penses que nous pouvons passer au bloc maintenant? C'est calme, donc probablement le meilleur moment...

    - Attends, Marie. J'ai entendu parler d'une entrée. Une fille, une histoire d'utérus multi-cicatriciel qui viendrait d'arriver aux urgences. Probablement en travail. Tu ne voudrais pas jeter un coup d'œil avant, juste au cas où? Il faudra peut-être la faire aussi, cette césarienne. Et ça me laisse le temps de mettre une péridurale à ta première dame. Une fois calmée, qui sait... Le travail aura peut-être progressé un peu? La péri de la dernière chance? Qu'en penses-tu?

    - ... Ça marche, on fait comme ça.

     

    Toujours rien de grave, d'inhabituel.

    Juste deux futures mères anonymes en zone grise, dans le maelstrom d'une maternité quelconque. J'ai faim. Deux femmes dont la situation doit être éclaircie rapidement. Le quotidien. Et mon cerveau qui tourne en circuit fermé, la fatigue aidant.

    J'explique comme je peux la situation à cette femme d'origine étrangère. Elle comprend mal, comme son époux. Et la douleur brouille les esprits. Malgré ses réticences initiales, elle abdique finalement. Poussée par le temps, le fait qu'ils voient tous deux clairement que les choses n'évoluent pas dans le bon sens, elle consent à me présenter son dos. J'entends dire aussi qu'il faut césariser la patiente des urgences sans délai. Bruits de couloir. Agitation feutrée. Et ma péridurale n'est toujours pas posée. Merde. J'ai perdu un temps précieux. 

     Le décor est planté.

    Je dois rattraper les longues minutes perdues en palabres. Mon geste est sûr, rapide. Mes sensations sont bonnes. Une péridurale sans histoires. À tel point que je laisse partir l'infirmière anesthésiste préparer la suite des réjouissances avant d'avoir terminé. À tel point que je hâte les fastidieux tests de sécurité indispensables. Je reste seul avec l'étudiante sage-femme à règler les derniers détails. Tout va bien, madame ne souffre même déjà plus.

    Problème règlé. En apparence, seulement. 

    La parturiente tarde maintenant à se rallonger. D'une oreille distraite, j'entends l'étudiante insister pour qu'elle s'exécute. La porte s'ouvre, l'obstétricienne apparaît.

     

    - Nous sommes prêts, c'est quand tu veux. 

    - ... Attends, deux secondes. 

     

    Tu parles, deux secondes.

    Agacé, je lâche ma seringue pour empoigner la fille et hâter son quart de tour. Mais en manipulant ces jambes étrangement flasques, un frisson me parcourt l'échine.

    Elle est paralysée.

    C'est beaucoup trop tôt. Trop fort. Pas à cette dose ridicule. Impossible... C'est une rachianesthésie, pas une péridurale...

    Vite, la seringue.

    Combien? Trop. Beaucoup trop pour une rachianesthésie classique. 

    Vite.

    Le scope? Jusqu'ici tout va bien. De combien de temps je dispose? J'en sais foutre rien, merde. C'est la première fois que ca m'arrive, une rachianesthésie totale. Jamais vu, jamais fait. Rarissime. Mais si tel est le cas, la paralysie va rapidement gagner du terrain. Sans douleur aucune, certes. Mais toujours consciente. L'horreur, quoi. Je ne dispose que de quelques minutes... Secondes? Avant que la dame ne cesse de respirer. Enfin si c'est bien ça. Comment en être certain avant l'asphyxie?

     Fait chier.

    Elle ne bouge déja plus les bras.

    Vite.

     

    - Bon alors? Tu viens? Faut plus traîner. Elle est à sept centimètres, et...

    - Changement de programme, Marie. On passe CETTE dame en césarienne, Avant la tienne. Maintenant. Tout de suite.

     

    En une poignée de secondes, tout a basculé. Par ma faute.

    Il a fallu s'organiser. Improviser. Innover. S'excuser. Expliquer. J'aurais bien aimé prendre le temps de manger. De parler. Ou de pleurer un grand coup. D'arrêter la montre, quoi. Mais pas moyen. Il a fallu terminer cette foutue saloperie de garde. Remettre des péridurales à d'autres femmes sans histoires. Comme si de rien n'était. Et gérer de nouvelles merdes. Encore et encore. Jusqu'au coup de carillon final.

    J'ai fait une erreur, une putain d'énorme erreur.

    Une erreur qui aurait pu être fatale pour une patiente... Dont vous avez peut-être déjà trouvé quelques causes possibles à la lecture de ce texte pourtant déjà bien expurgé. A défaut d'excuses, je me suis trouvé quantité de fautes potentielles: j'ai repassé le film de cette journée dans ma tête cent fois depuis. Ce moment, je le revis parfois encore aujourd'hui en injectant le produit salvateur d'une péridurale anodine.

    J'aurais aimé dire aussi que si je m'en suis sorti cette fois là, c'est parce que j'ai su rapidement prendre la bonne décision une fois le mal découvert. J'aimerais tellement. Sur ce point également j'émets de fortes réserves.

    La vérité, c'est que je n'en sais rien.

    Peut-être que j'étais bien luné, ce jour maudit. Peut-être que l'histoire du chauffard de la forêt est restée profondément ancrée en moi. Peut-être que tout simplement ce n'était pas le jour de mon jugement dernier. Néanmoins je reste lucide. Dans une journée de travail standard, je prends une foule de micro-décisions en apparence anodines. Parfois je m'impose, quelquefois je m'oppose. Mais en fait souvent je laisse faire, par silence complice ou aveuglement coupable. Il est possible qu'un jour prochain dans de pareilles conditions je ferais preuve de plus de lâcheté.

    Qui sait?

    Des erreurs de ce type j'en ai fait d'autres depuis, heureusement pour l'instant sans conséquences graves. Combien? Suffisamment déjà pour être persuadé qu'elles jalonneront ma vie professionnelle jusquà son terme. Quand bien même je ferais tout mon possible pour les éviter. Parallèlement, il est fort probable que je me retrouve un jour en position de devoir justifier certains de mes choix aux conséquences mortelles. Même si je pense ne pas avoir été en faute. Les statistiques sont formelles. Et les statistiques ne mentent pas: malgré mon jeune âge, j'ai déjà mon petit dossier fatal qui attend sagement l'ouverture d'une hypothétique instruction.

    C'est la vie.

    Or l'erreur fait partie de moi, elle me colle à la peau. J'en suis maintenant pleinement conscient. Je tente de faire avec. C'est mon diable au corps bien à moi que j'essaie de dompter jour après jour à défaut de pouvoir l'anéantir. A tâtons. Car malheureusement, cela ne s'apprend guère. La lutte contre l'erreur prend souvent des allures de Sainte Inquisition. C'est triste.

    Pire encore: je pense que le commun des mortels n'est guère prêt à entendre ce genre de propos. Il n'y a qu'à voir certaines réactions proprement inadaptées pour s'en convaincre.

    Si vous en doutez, faites-donc le test. Demandez-donc à votre entourage ce qu'il aurait fait, ce fameux soir d'automne sur cette petite route, dans la campagne de France.

    Sans tenter de juger.

    « Live and let dieLe Père Noël est une ordure »

  • Commentaires

    1
    B.
    Lundi 3 Décembre 2012 à 08:11

     

    L'erreur. Apprivoiser ce Dark Passenger qui est une part de notre exercice commence par le partage. Alors merci pour cet article. À la fois terrifiant, et tellement rassurant pour le jeune interne que je suis.

    B.

    2
    Lundi 3 Décembre 2012 à 08:26
    nfkb

    Ca y est c'est officiel : je vais créer ton fan club. Je vais essayer de convaincre Fluo de faire secrétaire général.

    Super billet.

    Tu as reconnu tout de suite le passage en rachi, tu as pris les bonnes décisions. Tu as posé ton avion sur l'Hudson mec.

    3
    pétrolleuse
    Lundi 3 Décembre 2012 à 11:05
    pétrolleuse

    @nfkb, Reconnaître son erreur, c’est bien. Mais de là à le considérer comme un héros, faut pas exagérer non plus…

    Je rebondis juste sur un passage en apparence anodin : « de longues minutes perdues en palabres » : évidemment, le temps passé à expliquer la situation à une patiente et à son conjoint (étrangers, de surcroît) ne peut être que du temps perdu :-/…  Et je repense également au discours lénifiant de l’infirmier anesthésiste qui dispensait une info sur la péri dans l’hôpital où j’ai accouché et qui se foutait de la gueule – à mots à peine couverts – de celles qui souhaitaient s’en passer. La péri, je ne la diabolise pas, mais je n’oublie pas non plus qu’une anesthésie loco-régionale – péri ou rachi - c’est une intervention médicale très délicate, assez lourde, qui n’est pas sans effets secondaires (des effets qui ont souvent tendance à être minimisés par les anesthésistes) et qui n’est pas sans conséquence non plus.Alors si, en plus, un anesthésiste epuisé confond les deux et/ou se plante dans les dosages...

    La césarienne a eu lieu sous anesthésie générale, bien sûr ? Et par la suite, vous avez pris le temps d’expliquer tout cela à la patiente et de reconnaître votre erreur, les yeux dans les yeux ? Ou peut-être était-ce du temps perdu en palabres inutiles...?

    4
    Lundi 3 Décembre 2012 à 11:48
    10lunes

    Petrolleuse, il ne s'agit pas d'excuser mais de comprendre comment une erreur arrive : une des raisons est celle décrite ici, parce que les services et donc les soignants travaillent à flux plus que tendu. "On" veut une médecine efficace mais la moins couteuse possible et on oublie l'humain. Le PMSI et autres données comptables ne prennent pas en compte le temps à passer à "palabrer" parce que ça n'apparait pas comme du soin... Mais si l'on veut soigner, ce temps aussi est nécessaire. Alors on ne mange pas, ne boit pas, ne pisse pas, on court sans cesse pour rattraper le temps "perdu" et...
    Nous avons tous en mémoire les jours où nous avons frolé, ou percuté, l'erreur. Chercher à comprendre les mécanismes de ce qui nous y a conduit est la meilleure façon d'en éviter d'autres.

    5
    John Snow Profil de John Snow
    Lundi 3 Décembre 2012 à 14:08

    @B.: Merci!

    @nfkb: permets-moi de rectifier. J'ai eu la chance de reconnaître rapidement le passage du liquide péridural en rachianesthésie. Et de le croire malgré les tests négatifs de vérification. Si j'ai selon toi posé le coucou sur l'Hudson, je n'oublie pas non plus que je suis le seul responsable de l'explosion du moteur. Raison suffisante pour que je ne me voie pas en héros.

    @Pétrolleuse: rebondissez à loisir et interprétez donc mes propos comme bon vous semble.

    Sachez juste que je commence à avoir suffisamment vécu d'atrocités pour savoir la valeur réelle d'une minute. Car oui, le temps a un coût. Et de tout ce qui coûte en ce bas monde, le temps est la chose que l'on perd le plus facilement. Sachez également qu'en situation d'urgence, la loi considère en substance le défaut d'information comme secondaire par rapport à la carence de moyens à mettre en œuvre pour remédier au problème.

    Que certains confrères puissent en profiter pour ne pas avoir à justifier leurs actes peut dès lors paraître à vos yeux regrettable. Mais vous semblez oublier le revers de la médaille: l'obligation pour le médecin de faire le meilleur et dans les meilleurs délais. Croyez-le ou non, mais cette seule facette génère déjà un stress suffisant pour beaucoup d'entre nous.

    Vous me demandez par ailleurs de me justifier et d'apporter plusieurs précisions sur les faits que je rapporte. Permettez-moi donc de vous répondre les yeux dans les yeux: vous n'êtes pas cette patiente. Tout ce que je peux décemment dire sur cette histoire est écrit plus haut. J'ai chosi cette histoire parmi d'autres dans le simple but d'illustrer mon propos. Si des explications vous semblent nécessaires, c'est à cette patiente que je les dois et à elle seule. La notion de confiance vous échappe peut-être mais elle a un sens pour moi.

    Car sans diaboliser vraiment, votre discours est pétri de méfiance et de préjugés à mon, à notre égard. 

    Bref, vous illustrez donc à merveille -et c'est dommage mais à votre insu- le climat malsain de suspicion dans lequel j'évolue quand j'ose parler d'erreur médicale. Ne vous étonnez donc pas que je puisse apparaître comme "un héros" aux yeux d'autres confrères plus frileux que moi à l'évocation de ce sujet. 

    Si vous souhaitez réellement que l'on progresse dans ce domaine comme dans d'autres, mettez donc d'abord (un peu) d'eau dans votre vin. Et apprenez à faire confiance a priori, nos relations n'en seront que meilleures.

    @10lunes: Tu as parfaitement saisi l'esprit du temps perdu... Serions-nous plus proches que je ne le pensais, en fait? ;-)

     

    Annexe de dernière minute: pour ceux que le sujet intéresse, parcourez-donc les liens suivants. Forts instructifs.

    http://perruchenautomne.eu/wordpress/?p=1228

    http://www.nfkb0.com/2012/12/03/langoisse-de-lanesthesiste/

    http://drfoulard.fr/?p=419

    6
    Lundi 3 Décembre 2012 à 18:13
    SophieSF

     

    - ... Attends, deux secondes. 

    Tu parles, deux secondes.

     

    Raaah, merci pour ce billet sain.

    On fait des douzaines de fois des trucs "attends, 2 secondes..." où on risque de se casser la gueule, dans une garde. Que ça arrive occasionnellement, ça fait partie du décor, que ce soit régulier ou quotidien, c'est fait suer.

    Ton histoire illustre bien le coût de l'"abattage" ordinaire, et le coût sur le cerveau humain de faire ça au quotidien. Et que forcément un jour ça déconne, juste une question de stats. Comprendre le mécanisme de survenue de l'erreur c'est vital, pas pour faire comme la Pétroleuse dit, là, mais pour avancer.

    Après, il y a bien quelqu'un qui va s'apercevoir un jour que ça marche sur la tête de s'occuper des gens comme ça, en courant après les trucs qu'on n'a pas le temps de faire correctement pour les rattraper au vol. Genre un gars qui ferait de la santé publique au lieu de faire de la gestion, soyons fous.

    (PS: c'est ballot, si-j'aurais-su-je-t'aurais-invité à une session de "lessons learned" ici : on peut gnagnater sur les Yankees, mais au moins l'inquisition il l'ont à peu près laissée derrière eux. C'est pas parfait du tout, mais au moins c'est result oriented, comme ils disent. Et le peu que j'en ai vu, ça semble donner un fonctionnement professionnel un poil plus sain)

    7
    doris_ide
    Lundi 3 Décembre 2012 à 19:29

    Souvenirs, souvenirs


     


    Je suis une lectrice assidue de nombreux blogs médicaux, plus comme infirmière que comme patiente.


    Mais là, les souvenirs reviennent : Mon premier accouchement, perte des eaux le matin, 2 semaines avant le terme, j’insiste pour mon mari m’emmène à la maternité, lui, il préfèrerait aller en cours dispenser la littérature à ses élèves, il pense que c’est une fausse alerte, mais j’insiste.


    Une demi-heure plus tard (la chance d’habiter dans une grande ville), je suis installée sur la table, j’ai mal, je tremble comme une feuille, je ne crie pas, mais j’ai mal, je sens quelque chose qui coule entre mes cuisses, je le dis à la sage-femme qui ne regarde pas. L’obstétricien arrive, combien de temps après je ne sais, pas longtemps je crois. « Mais c’est le cordon, dit-il, vite au bloc ». Quelques minutes plus tard, je le vois, dans le couloir du bloc, torse nu à côté de moi, en train d’enfiler sa tenue de bloc, il essaie de me rassurer mais je l’ai entendu dire que le bébé souffrait, que le pouls ralentissait. Puis plus rien… lorsque je me réveille, le ventre lourd, je ne sais si j’ai donné vie ou pas. Le personnel me rassure, une jolie petite fille, Apgar à 3 à la naissance, 7 quelques minutes plus tard. Je sais que qu’est le score d’Apgar. Je sais, j’ai compris le risque, j’ai compris que si la sage-femme m’avait examiné lorsque j’ai signalé ce « truc » qui me gênait entre les cuisses, oh, j’aurai quand même eu une césarienne mais probablement que le Apgar aurait été meilleur et mes inquiétudes moins fortes. Plus je saurais que j’ai présenté une procidence du cordon sur un siège.


    J’avais une belle petite fille, je n’en ai voulu pas voulu à la sage-femme, j’en ai probablement voulu davantage au personnel de la salle de réveil qui m’appuyait fortement sur le ventre pour évacuer les caillots en refusant que je leur tienne la main.


    Marie est devenue une grande et belle femme de 30 ans, oh, elle est bipolaire mais elle va bien et je crois que sa venue au monde difficile n‘y est pour rien.


    Cordialement.


     


    Doris


    Pour ceux qui ne connaissent pas : Le score Apgar consiste en une note globale attribuée à un nouveau-né suite à l’évaluation de cinq éléments spécifiques qui sont le rythme cardiaque, la respiration, le tonus, la couleur de la peau et la réactivité1. Chacun des éléments est noté à 0, 1 ou 2 points, selon les conditions observées (O'Reille, 2009). Le résultat total permet l’appréciation globale de l’état de santé du nouveau-né (Gassier & de St-Sauveur, 2008). Le résultat maximal est de 10, suggérant la meilleure condition de santé possible, alors qu’un score en-dessous de 7 réfère à une détresse.


    Source : Wikipédia

    8
    Lundi 3 Décembre 2012 à 19:43

    Certitude vaudrait incompétence, soit.

    Mais que faut-il penser d'un système qui oblige à des entretiens moins de 10 minutes pour faire le tour du problème en oubliant les questions décalées histoire de croiser d'autres diagnostiques "parents" ?

    Que faut-il penser d'un système qui opte pour la rentabilité de certaines pathologies et relègue le reste à d'autres (mais à qui au final ?).

    Avec l'âge, consulter le médecin consiste à prier qu'il vous trouve encore en "bon état" jusqu'à la prochaine visite. Je prie également qu'il aura le temps de me poser toutes les questions nécessaires pour me "radioscoper" correctement.

    En fait, raconter sa petite vie est souvent un moyen de situer le patient face à un risque. Par contre, ce n'est pas toujours "enthousiasmant" à entendre ou à rapporter.

    Temps et effectif, deux ingrédients essentiels à l'exercice en sciences humaines.

    Rien à voir avec le presse-bouton et la rentabilité.

    Comme juriste, je vous dirais que pour un patient, le plus insupportable, c'est la notion de "perte d'une chance" : diagnostique mal entrainant une réponse inadaptée, absence de dialogue avec le patient-victime, absence de solution et de prise en charge réparatrice ... absence d'humanité.

    Avant, le généraliste disait : il faut que vous consultiez un spécialiste pour votre cas. Je téléphone tout de suite à son secrétariat pour prendre rendez-vous et je vous prépare un courrier. Maintenant j'entends, à la suite d'un soucis de santé : "nan, mais là, faut voir en urgence votre spécialiste pour revoir votre traitement ... bonsoir madame". Là dessus je téléphone et je m'entends dire, "en urgence ? c'est dans 3 semaines, tout est complet ... Mais j'ai le temps de mourrir 3 fois ! ... hélas, les joies de l'Hôpital ! Je vous propose alors de téléphoner tous les matins avant 9 h pour voir s'il n'y a pas eu un désistement "... 15 jours après, je tiens mon rendez-vous et je m'entends dire "pourquoi votre médecin n'a pas téléphoné ? ... Ben, vous n'étiez pas là (en formation) et après y avait le pont des vacances ...

    Selon moi, l'urgence aurait été de m'expédier aux urgences du service, quitte à voir un autre spécialiste de la chose pour évaluer le risque et ajuster le truc, non ?

    9
    Mariammin
    Lundi 3 Décembre 2012 à 22:17

    Mais en quoi considère tu qu'il y a eu faute  ( dans le sens on ressent de la culpabilité en lisant) ?

    un doute dans le repérage ? un doute sur une issue de LCR a un moment ? un coup d'oeil trop rapide sur le scope après la dose-test ? le tout un peu négligé vu le climat d'urgence d'a coté ?

    C'est un effet secondaire, un aléa possible, grave  et connu , pas une faute de l'anesthésiste de passer en rachi lors d'une pose de péri...d'autant plus que l'indication de péridurale est clairement médicale.

    ( Une sage femme qui a eu 2 patientes a qui s'est arrivé, et oui c'est hyper impressionant, urgent, grave et pas ce qu'on souhaite a personne; mais pas de la "faute" de l'anesth;-)

    10
    Mercredi 5 Décembre 2012 à 15:03

    Le début est glauque, la fin est terrifiante, à tel point que le frisson le long de l'échine, je l'ai ressenti aussi.

    Merci pour ce billet qui permet de rappeler que nous restons humains, et qu'en tant que tel nous faisons des erreurs, même si nous n'y avons pas droit.

    11
    John Snow Profil de John Snow
    Mercredi 5 Décembre 2012 à 19:22

    @ Sophie: je ne connaissais pas le concept. Mais il paraît séduisant vu de loin, en effet... ;-)

    @ Doris: La procidence du cordon, oui. Une belle urgence qui n'arrive pas qu'aux autres, malheureusement... 

    @ Fultrix: Savoir apprécier le degré d'urgence est une chose dificile. Et la tendance actuelle à vouloir clarifier les parcours de soins (comme on dit maintenant) afin de mieux les rentabiliser n'arrange guère les choses, en effet.

    @Mariammin: Le problème est de ne pas faire l'amalgame entre erreur et faute. Il peut exister une erreur sans faute, c'est d'ailleurs sur ce principe qu'est basée la notion de "l'aléa thérapeutique". Ces distinctions sont un peu compliquées, je vous l'accorde. Et même si je les manie un peu, il m'arrive également encore de m'y perdre moi-même.

    @Docteur Seuss: La première erreur est justement de croire que nous n'en avons pas le droit. Mon avis est qu'un long chemin reste à parcourir pour que déjà nous, médecins, tâchions de nous en convaincre. Il serait plus aisé de le faire accepter au patient, ensuite.

    12
    Mercredi 5 Décembre 2012 à 20:54

    @JohnSnow en fait, c'était implicite et certes mal formulé, mais je voulais sous-entendre que c'était du point de vue du patient et plus généralement de la société que nous n'en avions pas le droit. Mais je suis d'accord avec ta remarque :)

    13
    Medulla
    Dimanche 9 Décembre 2012 à 16:38

    Bonjour John Snow , 

    Avant de t'imaginer traîné en justice et figurer dans les horreurs des rapports d'assurance médicale , il est vraiment urgent de prendre tes repos. 

    Je mène ma petite vie d'hôpital en tant que patiente , c'est comme cela que j'ai découvert les blogs tenus par des médecins. 

    Quand tu commences ton billet en évoquant trois gardes de vingt quatre heures en une semaine , ça me fait bondir. Comment ne pas commettre des erreurs dans de telles conditions ? 

    J'espère qu'il te sera possible de prendre tes repos et bravo pour le happy end , cher payé certes , mais happy quand même .

     

    14
    Lundi 10 Décembre 2012 à 13:22

    Excellent billet. Nous avons tous des histoires tragiques (ou tout au moins bien stressantes) dans les tiroirs de notre mémoire. Pourquoi est-il aussi difficile d'en parler avec les patients ? pourquoi est-ce que nos patients n'ont pas le droit à l'inobservance ni nous à l'erreur ?

    Merci encore pour ton partage

    15
    BN
    Lundi 10 Décembre 2012 à 19:17

    Parce que j'ai grandi entourré de médecins , je sais que des erreurs , des fautes ils en font .

    Parce que je trouve ça suprennant d'attendre qu'ils n'y ait que des sur-hommes dans les hopitaux .

    Parce que je lis pas mal de blog médicaux et que je sais que les récits de ce genre vont pleuvoir (puisque la vidéo de Brian Goldman est un peu le hastag du moment) .

    Parce que j'avais juste envie de vous dire que ce billet était ...parfaitement juste !

    16
    John Snow Profil de John Snow
    Jeudi 20 Décembre 2012 à 13:17

    Désolé pour le retard aux réponses, mais sachez que je vos remarques me font réfléchir longtemps...

    @Medulla: La première erreur est effectivement d'accepter la surcharge de travail et la carence de repos. Mais compte-tenu de la récurrence de ce problème en situation de manque d'effectifs, il est difficile de faire autrement.

    @ Georges Zaffran: J'essaie (je dis bien j'essaie) de tolérer l'inobservance des patients. Et je milite tous les jours en retour pour la reconnaissance de mon droit à l'erreur. Mais cette attitude est difficilement comprise, c'est dommage. 

    @BN: Merci!

    17
    Vanessa
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    18
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